Le cinéma français semble être dans une mauvaise passe. Après des pelletées de films plus lourds les uns que les autres, de grossières propagandes du multiculturalisme et de mauvaises suites de mauvais films, il paraît difficile de donner un quelconque crédit aux productions françaises.
En ce qui concerne le cinéma dit d’auteur ou indépendant, on en revient toujours à ce que fustigeait déjà Truffaut dans une célèbre tribune des cahiers du cinéma en 1954 : « Le trait dominant du réalisme psychologique est sa volonté anti-bourgeoise. Mais qui sont Aurenche et Bost, Sigurd, Jeanson, Autant-Lara, Allegret, sinon des bourgeois, et qui sont les cinquante mille nouveaux lecteurs que ne manque pas d’amener chaque film tiré d’un roman, sinon des bourgeois ? Quelle est donc la valeur d’un cinéma anti-bourgeois fait par des bourgeois, pour des bourgeois ? Les ouvriers, on le sait bien, n’apprécient guère cette forme de cinéma même lorsqu’elle vise à se rapprocher d’eux. Ils ont refusé de se reconnaître dans les dockers “d’Un homme marche dans la ville” comme dans les mariniers des “Amants de bras-mort”. On s’aperçoit que le public populaire préfère peut-être les naïfs petits films étrangers qui lui montrent les hommes “tels qu’ils devraient être” et non pas tels qu’Aurenche et Bost croient qu’ils sont. »
Je ressens un grand décalage avec mes comparses, hermétiques au cinéma français et aux problèmes petits bourgeois d’Isabelle Huppert dans un grand appartement haussmannien. On pourrait se lasser de ce quintette grinçant et répétitif, s’il ne révélait pas des harmoniques de plus en plus subtils ; car s’il n’y a plus que la France pour faire ce genre de film, elle est peut-être aussi la seule à savoir rendre un tel festival d’angoisses aussi plaisant que léger, tantôt vaudeville, tantôt thriller (Pascal Bonitzer) tantôt marivaux, tantôt burlesque (Louis Garrel, Emmanuel Mouret). Il s’agit aussi de comprendre qu’en grandissant, notre cinéma s’est diversifié. Il est parti à la conquête des genres. Quand il ne réinvente pas carrément le film de genre comme Sébastien Vaniček, ce sont Gustave Kervern, Quentin Dupieux et Bruno Podalydès qui après le duo Jaoui-Bacri, fondent les bases d’un humour typiquement français et font de la comédie une affaire de finesse et de sensibilité. Et quand bien même on déciderait d’être agacés par le cinéma français, il y a trop de choses intéressantes pour tout bazarder face à une telle diversité.
En effet, la France produit à foison alors que ne prédominent sur nos écrans que les derniers Marvels, ou Qu’est-ce qu’on a encore bien pu faire de plus au bon Dieu ? Exceptés les gros cinéastes comme Audiard, Dupontel ou Ozon, le reste de la production française est quasiment invisibilisé. En 2014, l’économiste du cinéma René Bonnell constatait : « La stimulation constante de l’offre comme cela s’est pratiqué depuis des décennies aboutit à une évidente surproduction qui s’accompagne souvent d’une certaine frustration des professionnels qui assistent au naufrage de leurs films en salles. Les statistiques à cet égard sont effarantes. On peut affirmer que la probabilité qu’un film échoue en salles est de l’ordre de 80 à 90%. »
Il n’est pas rare aujourd’hui de voir un film ne rester qu’une seule semaine en salles avant de disparaître complètement. Plusieurs mois de travail et des centaines de milliers d’euros investis pour qu’une poignée de spectateurs découvrent le résultat. Les premiers films et les films originaux ne peuvent seulement bénéficier de la publicité dont ils disposent : le bouche à oreille.
Pourtant, à en croire les palmarès des trois plus grands festivals européens la France regorgerait de talents. Depuis les années 2000, ce sont sept productions françaises qui ont obtenu la palme d’or à Cannes, deux l’ours d’or à Berlin, et une le léopard d’or à Venise. Les prix valent ce qu’ils valent mais témoignent tout de même du succès de notre cinéma à l’international.
Preuves à l’appui, voici cinq films français qui valent le détour sur les cinq dernières années. De la comédie noire au film d’horreur, il en y a pour tous les goûts.
Illusions Perdues, Xavier Giannoli (2021) : Le plus scorsesien des romans français
Oranges Sanguines, Jean-Christophe Meurisse (2021) : La plus saignante des comédies françaises
Vermines, Sébastien Vaniček (2023) : Arachnophobie dans nos banlieues
À l‘abordage, Guillaume Brac (2020) : Le téléfilm qui sent bon l’été
Chien de la casse, Jean-Baptiste Durand (2023) : L’hymne de nos campagnes